Mon enfant « ne me lâche pas »

Mon enfant « ne me lâche pas »

Impossible de le confier à qui que ce soit ou que partiez de la maison…Votre enfant est « englué » à vous. Il hurle, vous accroche lorsque vous tentez de le confier à la nounou ou à ses grands-parents…Mêmes scènes pour le déposer à l’école !

Pourquoi et comment faire pour que cela cesse ? Déjà, creusons ensemble les raisons de cet attachement trop exclusif.

Il faut comprendre (et admettre) que cela ne date pas d’aujourd’hui…Hormis les cas de traumatismes récents (ex : violences à la maison, enlèvement, ou je ne sais quoi…) il y a comme un passé qui vous rattrape. Le jeu de mot est d’autant plus d’à propos ; si votre enfant vous colle, c’est bien parce que vous-même l’aviez collé avant.

Je m’explique : souvent à la naissance du premier (mais pas seulement), les parents, notamment (pas que) les mères, ont tendances à surprotéger l’enfant. Bien entendu, les enfants collants, peuvent être le résultat d’une trop grande absence parentale (ou tout de moins d’intérêt parental), mais cela est bien plus rare.

Revenons donc à notre première cause : normalement, dans le bon ordre des choses, lorsque l’enfant nait, les deux parents (hétérosexuels ou non) sont présents. La mère va alors développer une relation fusionnelle avec son enfant et réciproquement, jusqu’à ne faire « qu’un contre le monde entier ».

Tout de même, progressivement la mère va dans cette relation à deux, introduire un nouveau partenaire (et il devra aussi prendre lui-même sa place) : le père (ou la personne qui en fait fonction : je rappelle que cela peut être une autre femme, cela ne change rien à sa fonction paternelle).

Ainsi, ce qu’on appelle le « tiers séparateur » va progressivement prendre sa place entre les deux protagonistes. Il prendra sa place s’il l’a prend de lui-même et si on lui autorise à la prendre. Car des fois, certaines mères restent tout de même fusionnées à leur enfant et négligent le papa, qui rappelons-le, est aussi un mari.

Pas si simple toutefois d’accorder une place à l’autre ou de la prendre soi-même, quand on ne l’a pas appris de ses propres parents : je pense notamment aux enfants élevés dans des familles victimes de violences intrafamiliales, ou encore, dont les parents auraient connus des relations illégitimes et dont des beaux-enfants seraient nés de ces unions.

Ainsi, lorsque soit même, l’on ne sait pas comment donner et prendre sa place, l’on transmet plus ou moins inconsciemment ce vide de génération en génération.

Mon enfant « ne me lâche pas » 1

Le père aura donc intérêt à communiquer à maman ce qu’il ressent en terme d’émotions, de sentiments et non au fur et à mesure c’est à dire au compte-gouttes. Et maman aura bien raison d’entendre les propos et éventuellement d’agir en conséquences.

Il en va du devenir de l’enfant : si le père ne peut s’immiscer dans cette relation à deux, l’enfant ne sera pas frustré et ne pourra accorder de valeur ni de place au père. Ce qui d’ailleurs ne donnera pas envie au père de s’investir davantage non plus. Et encore une fois à contrario, lorsque le père ne s’investit pas, la mère fusionne encore plus avec l’enfant…

Le chien se mord la queue en somme.

De fait, si ce comportement de fusion perdure, il est clair que le couple risque de partir en « chute libre ». On comprendra une certaine jalousie du papa vis-à-vis de l’enfant.

Des exemples concrets :

  • dormir avec son enfant : c’est le premier enfant, il est clair qu’on a envie de dormir avec, au moins de mettre le berceau dans la même chambre que les parents. C’est normal. Passé 6 mois, l’on prendra soins d’installer l’enfant dans sa chambre l’après-midi, puis quelques semaines plus tard, pour les nuits. Ah c’est certain, vous allez devoir faire plus de pas pour aller vous occuper de bébé pleurant la nuit. Mais les pères doivent aussi se lever. Particulièrement s’ils ne veulent pas que madame soit trop fatiguée pour espérer un rapprochement intime dans la semaine…A noter que j’ai vu des cas, où l’enfant dormait dans la chambre des parent jusqu’à ses 14 ans; et là, ça craint…
  • Donner le sein : Il y  a des mères qui entretiendront cette relation de fusion, au point d’en rejeter le père. A La Réunion et de nouveau en Europe, de nombreuses femmes allaitent encore jusqu’à 3 voire 6 ans ! C’est bien trop tard ! Ce qui se faisait sans souci il y a encore 20-30 ans, n’a plus de sens aujourd’hui. D’ailleurs qui a vraiment besoin de l’allaitement jusqu’à cet âge? L’enfant ou la mère qui a désespérément besoin de conserver son rôle? Maintenant il convient d’allaiter grand maximum jusqu’à 1an et demi (notre société évolue). Au-delà de l’autonomie psychique qui pourra s’installer chez maman et l’enfant, cela permettra au couple de fonctionner plus ou moins comme avant. Eh oui, être mère n’empêche pas d’être « femme de » et de savoir « partager le sein »…On en rigolera c’est certain. Il n’empêche que bon nombre de couples « filent un mauvais coton » lorsque le couple « oublie » ses moments d’intimité. Et votre couple, n’est pas plus « immortel » que celui des autres. On doit exister autrement que dans son rôle maternel.
  • Pas en équipe ? : quand un parent donne un ordre, ou puni, l’autre parent ne doit pas venir derrière pour « casser » l’acte posé. Si nous n’êtes pas d’accord avec l’acte éducatif entrepris par votre conjoint(e), soyez devant l’enfant en accord tout de même. Vous en discuterez plus tard sur l’oreiller.
  • Laissez faire la vie : a trop protéger son enfant, on l’affaiblie. Vous ne pourrez pas le protéger toute votre vie, alors laissez le se débrouiller. Un exemple : il tombe sur les genoux. « Il n’y a pas mort d’homme »…Laissez-le se débrouiller sauf si vraiment il peine à se relever. Après, un bisou magique et c’est reparti. Notez que le bisous magique n’est pas réservé au maman : les papa en font de très bons aussi.
  • Pas d’exclusivité : déjà, tout petit, prenez l’habitude de confier votre enfant. Famille, amis (sérieux ça va de soi), professionnels (là en trouver de sérieux, n’est pas si simple : exigez des diplômes, notamment en secourisme), voisins…Pas besoin de commencer par de grandes absences, on commence « en douceur » : cela rassurera autant bébé, que papa et maman. Et laissez votre conjoint(e) passer du temps avec l’enfant, sans vous en mêler.
  • Penser à soi : soyez un peu égoïste, pensez à vous ; vos enfants ne sont pas toute votre vie, ou en tout cas, ne doivent pas l’être. Certes ils sont ce qu’il y a de plus important pour vous, mais ne vous oubliez pas. En même, cela permettra à l’enfant de « respirer un peu ». Et un enfant va bien, quand ses parents vont bien…
  • Pas d’âge : ces conseils sont valables pour tous les âges, tous les sexes. Ainsi, si vraiment cela coince, autant consulter un psychologue, afin d’être tranquille pour plus tard.

 Publié dans le magazine « Belle », supplément du journal « le Quotidien », ile de la réunion.

Dr David GOULOIS : docteur en psychologie, psychologue, psychothérapeute et sexologue sur l’Ile de La Réunion

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