L’agression sexuelle: comment réagissent le corps et la tête

L’agression sexuelle: comment réagissent le corps et la tête

Essentielle : Comment définir une agression sexuelle ?

David GOULOIS : Il s’agit d’un acte sexuel qui n’est pas consenti. En France, il y a une hiérarchie de ses agressions. L’ « agression sexuelle » est un acte sans pénétration (orale, anale, vaginal). Le « viol » inclus quant à lui, systématiquement une pénétration. Ainsi, souvent les victimes ne le savent pas, mais une fellation forcée est bien un viol. La notion d’ « abus sexuel » concerne quand à elle toute exploitation du corps d’un enfant à des buts sexuels.
A savoir que dans tous les cas, les circonstances des faits sont dites « aggravantes » (donc plus lourdement punies par la loi) si la victime est qualifiable de « personne vulnérable » (mineur, personne malade ou porteuse de handicap, femme enceinte, personne âgée) et/ou s’il y avait un « rapport d’autorité » (agression réalisée par un médecin, policier, enseignant…).

Essentielle : Une conversation : « je crois qu’il a abusé de moi mais je ne suis pas sûre, j’ai mouillé ». Est-ce qu’il est envisageable physiquement que le corps réponde en « mouillant » face à une agression sexuelle ?

David GOULOIS : Il peut y avoir un réflexe physiologique de sécrétion des parois vaginales même en cas d’agression. De même, un homme victime peut avoir un réflexe d’érection. Pour preuve, le petit garçon lavé par ses parents au niveau du pénis, peut déclencher une érection alors qu’il n’a aucun désir pour ses parents ; c’est un réflexe. Ainsi, ce qui est valable chez un sujet masculin, l’est chez un sujet féminin.

Essentielle : On parle de sidération et de dissociation. De quoi s’agit t’il ?

David GOULOIS : La « sidération » c’est le fait d’être « saisi psychiquement ». Le psychisme est tellement « choqué » par ce qu’il se passe qu’il ne parvient plus à provoquer une réflexion ou provoquer la fuite. Le psychisme a bloqué le corps, il s’en est déconnecté, il n’y a plus de lien entre eux. Cette conséquence s’appelle la « dissociation ». C’est-à-dire que le corps est bien présent sur les lieux des faits mais pas l’esprit….L’auteur peut alors faire (et faire faire) ce qu’il veut à sa victime.
Sidération et dissociation sont des mécanismes psychiques courant en cas d’agression. En tant qu’expert assermenté au tribunal de La Réunion, c’est quelque chose que j’observe souvent.

Essentielle : Comment se sent une victime si elle ne s’est pas débattue/fait d’opposition ?

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David GOULOIS : Souvent très mal. Elle culpabilise, d’autant plus que le regard social, à travers les films, véhicule l’idée que l’agression sexuelle, le viol, se réalise forcément dans la violence physique. Les gens s’imagine que parce que la victime ne s’est pas débattue, c’est qu’elle était consentante ce qui est absolument faut. A La Réunion, nous sommes très concernés par le sujet, le nombre d’agressions sexuelles est important, au point où nous arrivons dans le top 5 des régions de France les plus concernées. Mais depuis quelques années, les victimes parlent de plus en plus : l’on a presque dé-taboutisé l’agression du fait de campagnes d’informations et du fait d’un plus grand esprit critique de la population face à l’omerta du silence intra-familial et religieux (toutes les confessions sont concernées).
Il parait que l’on juge le niveau d’évolution d’une société par la place qu’elle accorde à ses femmes…Ainsi La Réunion devient de moins en moins misogyne : les témoignages de plus en plus nombreux des victimes en est une preuve.

Essentielle : Si on se sent victime, quels sont les premiers réflexes à avoir ? 

David GOULOIS : Si les faits sont de l’instant, ne pas se laver, ne pas enlever ou laver ses vêtements. Ne pas ranger ou nettoyer les lieux de l’agression. Il faut tout laisser « en l’état » et appeler d’urgence la police. C’est très important pour relever l’ADN de l’auteur présumé des faits. Malheureusement la quasi-totalité des victimes ne procède pas ainsi, car le sentiment d’être souillée est trop fort, le sentiment d’être envahie par le corps/l’esprit de l’agresseur est trop prégnant. Alors la victime cherche à se « purifier ». C’est évidemment compréhensible, mais il faut savoir qu’en l’absence d’ADN et de témoignages, ce sera « paroles contre paroles ». C’est pourquoi nombre d’affaires d’agressions/viols sont classées sans suite : le procureur n’a pas suffisamment d’éléments pour poursuivre l’auteur.
Si l’on ne se sent pas capable d’appeler la police, l’on peut appeler ses proches, mais il faut se méfier des familles dites trop « traditionnelles » qui auraient tendances à vouloir « étouffer » l’affaire pour ne pas créer de scandale dans la communauté, dans la famille…Si la question du silence est multi-factorielle, on sait d’ailleurs statistiquement que plus l’on est fervent religieux, moins l’on aura tendance à parler de son agression et l’on cours aussi un plus grand-risque d’être convaincu par ses proches (si tout aussi fervents) de se taire. C’est sans doute aux différents responsables religieux d’encourager encore plus cette liberté de parole.

Publié dans le magazine Essentielle. 

Dr GOULOIS David, Psychologue, La Réunion, St Pierre.

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