J’ai souvent des étudiantes, mères de famille, qui me pose cette question : est-ce mal si mon garçon demande à une fille de soulever sa jupe pour regarder dessous ?
Il s’agit du fameux « jeu du docteur », qui est très innocent (oui, absolument), consistant en l’exploration du corps de l’autre, souvent à côté ou en complément du sien.
Ainsi, l’enfant tente de satisfaire une curiosité naturelle pour un sujet qui dérange particulièrement les adultes. Le gamin fait des comparaisons entre son anatomie et celle des autres : il a vue que la fille n’avait pas de pénis (« te l’a t’on coupé parce que toi aussi tu jouais avec ? » ; ne jamais menacer de castration un enfant, c’est à coup sur le névroser par la suite). Il se demande si l’autre garçon a des petites boules aussi et va regarder de lui-même. Ou encore, fière d’avoir des seins comme maman (pas aussi gros c’est sur, mais d’en avoir comme elle, ce qui lui fait dire qu’un jour elle pourra devenir elle aussi une maman), montre ses « tétés » spontanément à un garçon duquel elle est proche (et pas rare que cela soit le cousin, car pas aussi proche tout de même que le frère)…
L’enfant, originairement n’a absolument rien de pervers. Seul l’adulte, l’est. Si l’enfant le devient, ce sera au contact d’autres enfants perverti et surtout d’adultes qui le sont.
Alors qu’est-ce que la perversion ? Lorsque l’enfant veut reproduire sur autrui ce qu’il a subit : les attouchements ou même le viol, ou encore suite au visionnage de vidéos pornographiques (voir ses parents faire l’amour, ce n’est pas pareil : ce sont les parents ; ces derniers n’auront qu’a expliquer les choses de la vie à leur marmaille, ce sera l’occasion).
L’enfant pervers aura donc envie de reproduire une scène qu’il a perçu ou subit comme quelque chose d’effroyable, comme quelque chose qui a fait effraction en lui. Il n’était pas préparé à recevoir ses informations, ses stimulations d’adultes. Il n’en avait pas le désir non-plus. Et ne l’a toujours pas aujourd’hui. Mais du coup, comme ce qui s’est passé le culpabilise (parce que l’adulte pervers lui a dit que c’était un secret et/ou parce qu’il a l’impression d’être fautif, d’avoir fait quelque chose de pas bien), il veut évacuer ses angoisses, passer à l’acte pour maîtriser ce qu’il a subi. Ceci est bien de la perversion. Il mimera ou reproduira avec un autre enfant, le coït sexuel, obligera par la force l’autre enfant à subir ou faire des attouchements. Jusqu’à preuve du contraire, une fellation, des caresses sur les parties intimes, ça l’enfant initialement ne le fait pas : certes filles et garçons se tripotent individuellement, et dès 3-4 ans, mais pas dans l’attention d’avoir un orgasme ; jusque par cela apaise, ou encore par qu’on pourrait jouer avec son pénis comme ou pourrait jouer à se mettre les doigts dans le nez. Dans la manifestation de curiosité, ou dans le jeu du docteur, il s’agit bien de « jouer ». Et « jouer », implique que tout le monde soit d’accord. Et encore, personne n’est contraint à jouer, dans le jeu. En sommes, les enfants sont en position de petits scientifiques, de petits explorateurs, qui découvrent le monde. Le monde du corps humain, tout simplement. Il n’y a donc aucun, mais alors, aucun problème si un enfant vient rapporter qu’un camarade plus ou moins du même âge, lui a demandé de baisser sa culotte (sans avoir été obligé) pour regarder ou éventuellement toucher son « zizi » ou sa « choupette » (mettez y le nom que vous voulez). Si l’autre enfant refuse de baisser sa culotte, eh bien il a refusé et puis c’est tout ! Les enfants sont naturellement curieux, très curieux…
On remarquera que ce sont les parents (voire les grands-parents ou les taties; et on se demande bien d’ailleurs, de quoi ils se mêlent ceux-là) qui ont le plus de mal avec la sexualité des enfants; ce sont des adultes qui ont des difficultés avec leur propre sexualité. Il ne savent pas en parler, il ne savent pas quoi en penser…Là ou l’adulte y met du « péché » (sur quelque chose de naturel), c’est soit par ignorance, soit parce que cela l’arrange d’invoquer le démon chez les autres plutôt que de reconnaître éventuellement celui qu’il a en lui…
Faut dire que « les parents des parents » ne leurs ont pas transmis les bases non-plus. Si l’on a un doute, si l’on est pas au clair avec sa sexualité, si l’on est pas épanouie sexuellement, c’est bien qu’on a un « problème » avec cela. Auquel cas, qu’on ne reproche pas à l’enfant, de ne pas en avoir lui, de problème ! En tout cas, il faut faire quelque chose, car si vous n’êtes pas à l’aise avec la sexualité, vous risquez de transmettre à votre enfant, inconsciemment vos propres angoisses, vos propres difficultés autour du sexe. Et le cycle continue !
Article publié dans le « Magazine Belle « , supplément du Quotidien, Ile de la Réunion
Dr David GOULOIS : docteur en psychologie, psychologue, psychothérapeute et sexologue sur l’Ile de La Réunion
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