Essentielle : Quelles sont les principales raisons pour lesquelles un couple décide de se rendre chez un sexologue ?
David GOULOIS : Pour un trouble sexuel, généralement ce n’est pas le couple en lui-même qui prend le premier rendez-vous. De mon expérience, les personnes viennent plutôt consulter seules et ce sont des hommes.
Chez eux, les raisons n’ont souvent rien à voir avec leur propre couple, la problématique étant présente depuis l’enfance. Ce n’est qu’après quelques séances, que je propose à la conjointe de se joindre à la thérapie, puisque le trouble sexuel d’un individu à un impact sur le sexualité du couple.
Les couples qui prennent rendez-vous ensemble, le font pour des conjugo-pathies, et là ce sont les femmes qui sont souvent à l’initiative de la consultation. Il s’agit des souffrances de couple dont la panne sexuelle chez la femme, n’est souvent que la conséquence d’une mauvaise ambiance conjugale.
Ainsi, pour les problèmes masculins, sauf exception, je traite la problématique d’abord chez l’individu et après chez le couple. Pour les problèmes féminins, c’est l’inverse, je traite d’abord les problème du couple et après je travaille avec madame seule.
Plus rarement l’on vient me consulter pour des questionnements identitaires : homosexualité, tran-sexualité…Parfois aussi, je suis amené à faire de la prévention, notamment auprès des adolescents. Enfin, il m’arrive de recevoir des personnes porteuses de handicaps qui ont besoin d’ajuster au sein de leur couple, leur sexualité en fonction de leurs capacités.
Essentielle : Existe-t-il des signes qui indiquent à un couple qu’il est temps de chercher de l’aide ?
David GOULOIS : Il faut bien comprendre qu’une plainte sexuelle féminine indique dans la plupart des cas des troubles au sein du couple. Ainsi, une mauvaise ambiance conjugale, ne donne jamais envie à la femme dans le registre sexuel. Chez l’homme, on se rend compte que souvent même s’il y a des problèmes de couple, il « tente » tout de même sa chance pour obtenir l’acte sexuel avec madame. Ce qui veut dire que lorsqu’il consulte pour des pannes d’érection, des éjaculations précoces, cela n’est pas nécessairement en lien avec le couple.
A mon sens, un sexologue ne peut pas pratiquer sérieusement cette discipline s’il n’est pas thérapeute de couple et familiale également. L’on ne peut isoler la sexualité du reste de la vie. Aussi, je dirais que dès qu’il y a un problème de couple cela aura très rapidement un impact du la sexualité ; et dès qu’il y aura un problème de sexualité, il y à moyen terme aura un impact sur le couple.
Toute personne frustrée autour de sa sexualité doit consulter.
Essentielle : Comment ce professionnel peut aider un couple qui a des difficultés dans leur vie sexuelle ?
David GOULOIS : Je pose un diagnostic de la situation en prenant en compte les facteurs de vie (professionnels, familiaux, infantiles, conjugaux, médicaux…) qui influencent sur le désir ou sur le plaisir.
Par la suite je propose une interprétation de la situation (pourquoi et comment le problème est survenu) et après je donne des exercices individuels ou conjugaux, avec contrôle de la réussite ou non de ces derniers. Si la problématique est organique et non-psychologique (rare, mais possible), j’oriente vers un gynécologue ou un endocrinologue par exemple, ou encore un kinésithérapeute ou sage-femme.
Essentielle : Si le conjoint est réfractaire, comment le convaincre qu’une sexothérapie est nécessaire ?
David GOULOIS : Il est très courant que l’homme refuse la consultation. Les hommes n’étant que peu à l’aise avec leur sexualité en général et encore moins disposés à parler de leurs émotions. Mais si madame veut l’amener à consulter, elle doit faire prendre conscience à son conjoint que la sexualité du couple, ce n’est pas satisfaisante pour elle comme pour lui et qu’en venant consulter, cela pourrait changer leur vie.
Il n’est pas si difficile de convaincre l’homme que sa quête d’un plaisir sexuel toujours plus intense, peut (enfin) se réaliser mais que pour cela, il faudra donc consulter. L’argument du plaisir sexuel est souvent bien entendu chez le sujet masculin. Mais si la femme propose au monsieur de consulter en le traitant de « pervers », lui disant que c’était lui avait un problème et non le couple, l’homme va se braquer, il va associer le thérapeute à un juge, et n’aura donc pas envie de venir pour s’entendre dire tout ses défauts. Il faut que madame explique à son conjoint que le thérapeute est neutre, et que s’il y a se remettre en question, cela se fera chez les deux partenaires donc, autant du côté de madame que de monsieur.
Essentielle : Y a-t-il des précautions à prendre pour l’autre mais aussi pour soi, quand on va consulter un sexologue ?
David GOULOIS : Il n’y a pas proprement parler de cadre légal encadrant le métier de sexologue, car c’est davantage une spécialité qui s’apprend en fonction de ses recherches universitaires pendant les études (comme ceux qui sont spécialisés dans le handicap, le suicide, les troubles psycho-somatiques…).
Même si quelques diplômes de spécialités existent (ils doivent être universitaires pour avoir du crédit), ce ne sont pas ces titres qui font un bon praticien.
Ainsi il faut se méfier des diplômes commerciaux aux titres nouveaux et finalement ne voulant pas dire grand-chose et encore plus si le praticien n’est pas un médecin ou un psychologue. Ce sont ces deux seuls professionnels qui ont un niveau d’études suffisant pour pouvoir poser un diagnostic complet et proposer une prise en charge globale tout en orientant vers d’autres professionnels si besoin. Il convient de se méfier des professionnels qui initialement s’occupent des thérapie du corps (kinésithérapeute, sage-femme…) et s’improvisent thérapeutes des troubles sexuels qui sont pour la plupart d’origine psychologique ! La sexologie est ainsi devenu un vrai business, créant de la confusion chez les patients.
Si le kiné ou la sage-femme traitent de la sexualité, ils ne doivent le faire que pour les troubles d’origine physiologiques (comme un desserrement vaginal, une incontinence urinaire…). Ces professionnels non-psychologues ou non-médecins, ne sont pas suffisamment formés pour traiter par exemple une problématique sexuelle suite à un viol. Ils pourraient même faire davantage de dégâts, parce que leurs connaissances du psychisme est insuffisante.
Enfin, hormis dans le cadre d’une consultation gynécologique ou dans le cadre d’une rééducation anale ou périnéale, il n’y a pas lieu de vous toucher ou de vous mettre nu.
Paru dans le magazine Essentielle, Océan Indien, 2016.
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